UN CLOU DANS LES ETOILES

LA FEMME OISEAU




Un thème très répandu dans les contes d’Asie (Chine, Japon, Vietnam) Ni harpie, ni sirène, la femme-oiseau asiatique demeure un être purement céleste nullement mal intentionné envers les malheureux terrestres que nous sommes… Dans la mythologie chinoise, la tisserande est une femme céleste (ou femme oiseau) Non seulement elle tisse le bleu du ciel sur son immense métier à tisser, mais le récit de sa première rencontre avec le bouvier, la pose souvent en tant qu’ oiseau descendu du ciel et atterrissant près du jeune homme. Elle se défait de son vêtement céleste pour plonger dans l’eau, (elle quitte cet attribut du monde aérien pour se glisser dans l’élément eau, et ce faisant allume le feu dans le cœur du jeune homme, on pourrait ajouter que dans la version jörai elle séduit le petit-fils de la forêt, élément bois et que celui ci se fera forger des ailes de métal pour la rejoindre : les 5 éléments asiatiques semblent être au cœur de cette histoire…) Bref, il lui dérobe sa robe de plumes. Rappelons que lorsque les amants se retrouvent une fois l’an, c’est grâce à un pont de pies. Le motif de la robe dérobée, qui empêche l’envol, et donc retient sur terre (véritablement par la force de la gravité terrestre) un être céleste (autrement dit divin) qui se fait littéralement « couper les ailes » est une constante. Dans le cycle des rêves de Drit ou Diung (qui est d’ailleurs souvent un oiseleur / mythologie des Jörai), petit-fils de grand-Mère Brousse , donc de la forêt, la femme fantasmée (ayant figure de femme-forêt, femme-bambou, femme-liane etc…) est aussi et avant tout une « fille des airs » c’est à dire une divinité féminine descendante directe du Ciel qui est éminemment Yang. Le héros ne cesse, au cours de ses aventures, d’aller par ses rêves jusqu’à cette figure divine, de la rendre terrestre et donc humaine, en lui dérobant les moyens de sa magie (incarnée par les ailes.) Mais terrestre, elle devient la proie des convoitises humaines, donc est vouée à la perte. Alors de nouveau il faut la reconquérir, l’atteindre à travers les rêves, en traversant la forêt profonde et tous ses obstacles comme autant d’épreuves, parvenir aux confins de la terre et du ciel, ou même s’élever jusqu’au Ciel lui-même (par des ailes de fortune. Ah ! la belle image que celle de cet Icare Jörai s’élevant au-dessus de sa condition d’homme pour rejoindre la bien-aimée, la bien-rêvée…) Mais ce franchissement des limites entre la Terre et le Ciel, le monde terrestre et le monde divin se fait d’abord par Drit qui est un anti-héros, soit mais tout de même le petit-fils de la Forêt. D’autre part, en tant que dépassement des limites, il ne peut s’établir dans la durée. Il reste toujours, tel le désir humain, un objectif à atteindre, qui, sitôt atteint, perd de sa vivacité. La divinité des airs devenue terrestre perd de son éclat d’être inaccessible, de sa pureté céleste. Heureusement qu’elle retrouve sa robe de plumes et s’envole au Ciel, sinon, le rêve prendrait fin. Elle reste belle et désirée : là-haut, dans les nuées. Et son envolée finale ne signe pas que sa seule et magnifique liberté, mais aussi celle de l’être (ou des êtres comme dans certaines versions japonaises du conte de la grue par exemple) dont elle se sépare. Je rappelle que le mot « désir » vient de « de siderata » c’est à dire « souvenir d’une étoile ». Nous éprouvons des désirs parce que nous avons eu quelque part, « ailleurs » connaissance d’une étoile. Les femmes oiseaux nous rappellent ce temps où nous avions notre place au Ciel. La destinée humaine et la liberté de l’être humain seraient-elles de reconquérir sans cesse et « ici même » ce ciel perdu ? A chacun sa réponse, mais pour moi l’envie de raconter des contes de femme oiseau, et avant même cela, le bonheur de retrouver tous ces récits merveilleux au hasard de la vie, comme une parole qui m’est familière, résonne comme un écho d’une vie antérieure que maintenant, entre la Terre et le Ciel, j’ai envie de clamer…


 A ce propos, je voudrais mentionner cette magnifique légende des Dong (ethnie chinoise sans écriture) contant les aventures d’hommes partis au Ciel chercher contes, musiques, danses, et autres réjouissances d’ordre divin et céleste pour les ramener sur terre, mais les ayant perdus à mi-chemin… C’est là, je pense, que cherchent encore tous les conteurs, mais aussi tous les artistes !



Références : Mythologie chinoise : le bouvier et la tisserande dans les versions de Chine ou du Vietnam les plus anciennes Japon : nombreuses versions de contes zen ou bouddhistes ( danse de la femme oiseau au vêtement de lumière reprise par le théâtre No / allusions à la danse de Amaterasu , déesse du soleil, Mythologie japonaise) Nombreuses versions du conte de la grue. Vietnam : ethnie Jörai le cycle des rêves de Drit. Nombreux contes jörai « la fée du banian » etc les contes de Grand-mère Brousse/ de la forêt indochinoise.  « Le vol de la grue » Conte en origami « Le Champ de pavots » conte du Japon « Ikebana » (Contes de la tige, entre la terre et le Ciel) « Drit le rêveur » Mythologie des Jörai - (Vietnam) « Grand-mère brousse » « Contes de la forêt indochinoise » « Ce que Jin Bi a rapporté du ciel » mythologie des Dong Hélène PHUNG


 (  A toutes les femmes afin que jamais on ne leur coupe les ailes…)





01/05/2008
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